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Récemment, nous avons organisé une table ronde digitale : intelligence collective, quel est le secret des organisations qui engagent leurs collaborateurs ?
4 intervenants sont venus témoigner sur leur propre vision de l’intelligence collective.
- Comment permet-elle de fédérer les salariés et de créer une communauté engagée ?
- Comment offre-t-elle à chacun une place, un rôle, du sens ?
- Quelle forme a prise l’intelligence collective dans leur structure ?
- Quels sont les bénéfices, risques et enjeux de l’intelligence collective dans les organisations ?
L’intelligence collective est un levier mis en avant pour répondre aux enjeux des organisations. Nos invités vous ont révélé leurs visions, leurs démarches, leurs pratiques et leurs initiatives pour vous inspirer.
Nos participants étaient :
- Claire Bonenfant – Directrice Générale chez SThree France
- Lilian Noirot – Directeur Général chez SEDIS ex Directeur d’usine Somfy
- Camille Darde – Directrice Ressources Humaines chez Planète Oui
- Elsa Parlange – Directrice de l’innovation de la CNAV
SThree, SEDIS, Planète Oui, la CNAV… Une occasion de découvrir le point de vue d’organisations diversifiées, de s’inspirer et d’échanger !
Petit plus, Claire, Camille, Elsa et Lilian vous dévoilent leur recette pour générer une réelle intelligence collective !
Intelligence collective : un terme à prendre avec des pincettes ?
Tout d’abord, il nous semblait intéressant de s’attarder sur de la terminologie : qu’est-ce que l’intelligence collective et comment la qualifier ?
De nombreux termes peuvent se cacher derrière le terme « intelligence collective » : collaboration, coopération, facilitation, animation collaborative, etc.
Les organisations ont besoin de se créer un langage commun autour de cette notion, pour savoir de quoi l’on parle exactement.
Comment éviter alors d’utiliser des jargons quand on parle d’intelligence collective avec d’autres personnes qui ont différentes maturités sur ce sujet ?
« Le terme d’intelligence collective porte en lui une difficulté : c’est un mot trop valise. Je trouve que comme dans toutes les activités métiers, ça peut être assez vite théorisant et jargonnant. On veille à pouvoir expliquer la méthode et en tout cas le chemin à celles et ceux qui sont en maturité pour pouvoir l’écouter. Voire on ne nomme pas la “chose” pour ne pas effrayer et créer de l’inquiétude. On fait d’abord vivre l’expérience collaborative sans qualifier ce que nous mettons en place. Ce qui fait la puissance de l’intelligence collective, c’est l’expérience vécue. On n’est pas à cheval sur les termes à utiliser et parfois on ne les utilise pas du tout. »
Elsa Parlange, Directrice de l’innovation de la CNAV
Au contraire, quand une organisation s’engage dans une certaine méthodologie, ici l’holacratie, qu’en est-il de la terminologie très précise ?
« Chez Planète Oui, on s’est engagé il y a un peu plus d’un an dans une démarche de mise en place d’un modèle inspiré de l’holacratie. On a fait évoluer ces questions de terminologie et de naming, qui font peur et présentent déjà tout un tas de difficultés en matière d’adhésion et d’engagement. Concrètement dans notre quotidien, cela passe par des mécanismes de facilitations et par un rôle de facilitateur inhérent à la prise de décision collective par consentement, organisé ici par cercle. »
Camille Darde, Directrice Ressources Humaines chez Planète Oui
Avec ces deux témoignages, nous observons justement quelques termes qui sont importants comme la facilitation, la décision par consentement, les cercles de l’holacratie, etc.
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Dans une telle démarche, il faut donc prendre le temps de former. Il est nécessaire d’avoir un accompagnement pour éviter les blocages, car de nombreux changements et habitudes vont être bousculés.
Quel est l’historique de la facilitation dans votre organisation ?
Quels ont été les éléments déclencheurs pour mettre en place ces nouvelles façons de collaborer ?
« Le besoin de facilitation est apparu chez Planète OUI dans un contexte d’hyper croissance, les effectifs ayant été multipliés par 5 en l’espace de 2 ans. Au début, il y avait une culture native d’entreprise où il y avait une participation de chacun aux prises de décision collective, de la responsabilisation, de l’autonomie et de la coopération naturelle. En fait, le déclencheur était comment faire pour garder ses valeurs dans un contexte d’hyper croissance ? L’idée était de formaliser un modèle explicite, adapté en interne, et pouvant s’ancrer pour que les nouveaux arrivants puissent être embarqués eux aussi. »
Camille Darde, Directrice Ressources Humaines chez Planète Oui
« Nous, on a commencé par ne pas le nommer, c’est à dire qu’on a regardé un peu ce qui se faisait ailleurs quand on s’est posé la question, on se rend compte que quand on commence à faire de grands plans de communication là-dessus, on crée autant de peur que de fantasmes. Du coup, ça cristallise complètement les énergies. On a commencé à parler d’entreprise responsabilisante au bout de 3 ans. On parle de mieux travailler en équipe. La déperdition de la performance se trouve aux interfaces, donc le seul sujet à traiter c’est comment est-ce qu’on travaille nos interfaces avec des gens qui sont dans des métiers différents avec un parcours différent avec des enjeux qui peuvent être différents ? Or, dans une entreprise, le travail ensemble n’est pas négociable, il faut systématiquement le faire, donc on n’est pas dans une relation client fournisseur où ce dernier peut dire à tout moment j’arrête de vendre. On n’a pas enlevé les managers, on les appelle les encadrants, car ils ne sont pas là pour décider, mais pour créer un cadre qui donne les limites de responsabilités aux gens. Ce cadre représente tout ce qui n’est pas explicitement interdit et donc explicitement autorisé. »
Lilian Noirot – Directeur Général chez SEDIS ex Directeur d’usine Somfy
Et lorsqu’un système est déjà en place, quel a été l’élément déclencheur ?
« On a toujours eu cette culture de la facilitation. Cependant, c’était cantonné à certains rituels annuels ou bi-annuels. On s’est amélioré au fil des années et l’on a étendu à de plus en plus de domaines, de sujets, de rituels. On s’est penché sur la vraie vie, du quotidien et du travail métier dans les équipes. Petit à petit, le cadre de la facilitation s’est élargi. Cela s’est accompagné de profondes évolutions de la posture des dirigeants, des leaders et des collaborateurs. Nous étions dans cette démarche afin de travailler la culture du feed-back, la raison d’être de l’entreprise, la communication non violente, la responsabilisation, l’autonomie. On a fait le choix d’amener naturellement la facilitation et de développer tout le monde sur toutes ces techniques pour ne pas se retrouver avec certains qui ont les compétences pour faire de la facilitation et d’autres non. »
Claire Bonenfant, Directrice Générale chez SThree France
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« L’encadrant est là pour protéger son équipe à l’intérieur d’un cadre donné et l’équipe du coup, expérimente très librement à l’intérieur du système. On n’est pas sur un modèle type start-up en hyper croissance, mais plutôt une transformation d’un modèle classique vers un modèle type intelligence collective. Quand on regarde en cours de transformation, on se retrouve avec une organisation, un écosystème qui n’est pas homogène. Il y en a qui ont basculé et d’autres non. Du coup, ça crée le sentiment de flou à un moment donné. »
Lilian Noirot, Directeur Général chez SEDIS
Quelle forme prend l’intelligence collective aujourd’hui dans votre organisation ?
Comment peut-elle s’incarner dans les pratiques du quotidien, dans le travail, dans l’organisation elle-même ? Quel peut être le pilotage et quels sont les reportings à faire ?
« Au risque de choquer certains qui sont dans des approches plus libérées que ne l’est la CNAV aujourd’hui, nous, on a défini un modèle de gouvernance simplifié. Un modèle qui permettait de s’assurer qu’on possède des relais dans chacun des environnements. On est une équipe très limitée au niveau national. Et donc on ne pouvait pas juste compter sur la bonne volonté des uns et des autres parce que ça ne suffit pas. Il y a des référents dans chaque caisse qui sont formés au niveau national. Des formations qui vont passer par la formation à des méthodes très génériques comme le design sprint, le design thinking, la facilitation graphique, les enjeux de posture, la relation sponsor, etc. Chaque caisse est organisée de façon très ouverte.“
Elsa Parlange, Directrice de l’innovation de la CNAV
« On utilise la méthode des OKR (Objectives Key Results). On a entre 2 et 5 objectifs par trimestre, et vont être considérés comme étant atteints en ayant de la même manière entre 3 et 5 résultats clés. Une méthode de fixation des objectifs qui garde le même état d’esprit que la mise en place de l’holacratie. »
Camille Darde, Directrice Ressources Humaines chez Planète Oui
« Nous aussi on est sur les OKR. Ce qui permet d’éviter justement cette approche contrôlante du reporting qui parfois est mal vécue par les équipes. Il y a même un côté déresponsabilisant, quand on utilise trop de chiffres.”
Claire Bonenfant, Directrice Générale chez SThree France
« Pour répondre sur l’industrie où le reporting prend une place très importante. On avait défini 4 indicateurs (sécurité, qualité, délais, coûts et productivité). En partant du principe que si l’on anime bien ces 4 indicateurs, ils mèneront aux bons résultats, donc la performance économique suivra. Pour tout ce qui n’est pas dans le reporting, on incite à aller voir directement sur le terrain ! »
Lilian Noirot – Directeur Général chez SEDIS ex Directeur d’usine Somfy
Intelligence collective = Entreprise libérée, opale ou holacratique ?
« Je pense qu’entreprise libérée, entreprise opale, ou holacratique, en fait, ce sont les mêmes principes au fond, quand vous creusez. Il faut essayer de se libérer de l’étiquette et de définir plutôt le modèle qui correspond le mieux à votre entreprise. »
Claire Bonenfant, Directrice Générale chez SThree France
« On était plus à l’aise avec la notion d’entreprise responsabilisante. Pour avoir visité Toyota et autres qui sont plutôt des chantres de ces démarches là, on se rend compte qu’il y a également beaucoup d’autonomie qui est donnée dans ces modèles d’organisations industrielles ou à l’inverse, avec notre culture un peu occidentale, on pourrait croire que tout est figé et en fait pas du tout. »
Lilian Noirot, Directeur Général chez SEDIS
Mais alors, comment faire un suivi des processus mis en place dans son organisation ?
Lorsque l’on met en place une démarche de facilitation et d’intelligence collective au sein de son organisation, comment faire un suivi, non pas en matière d’efficacité, mais d’adéquation avec les valeurs avec l’entreprise et les collaborateurs ?
« On a écrit dans un culture book toutes les meilleures pratiques que l’on a identifiées dans différentes équipes, donc par exemple il y a des équipes qui excellent dans la gestion de conflits, d’autres dans la gestion de la performance. L’idée est d’infuser d’un cercle à l’autre, d’un service à l’autre pour partager les meilleures pratiques possible. La chance qu’on a, c’est qu’on est sur une taille encore où le feedback remonte très vite. »
Claire Bonenfant, Directrice Générale chez SThree France
Et pour les structures plus importantes ?
« La question de la taille est centrale parce qu’on ne peut pas monitorer au quotidien sur autant de monde. On a des fonctions RH extrêmement engagées qui utilisent des outils très utiles pour évaluer l’état d’esprit et le ressenti des collaborateurs avec une vision macro et micro. Par exemple, avant le retour en mode hybride, c’était la perception du retour en hybride, la perception des nouveaux protocoles de télétravail, etc. À l’échelle du nombre que nous sommes, on insiste beaucoup sur la créativité des managers. À l’échelle même de mon équipe, on teste beaucoup d’éléments, car on n’est pas que sûr des résultats en termes d’efficacité, on est plutôt dans de l’évaluation en continu. On utilise Octamine comme outil de prise de pouls. »
Elsa Parlange, Directrice de l’innovation de la CNAV
Des bonnes pratiques pour mettre en place l’intelligence collective ?
Pour Claire : S’assurer que les dirigeants sont 100% alignés et convaincus par la démarche. Bien fixer le cadre et le rappeler de très nombreuses fois, se rappeler régulièrement pourquoi on s’est embarqué dans une telle aventure, ne pas devenir dogmatique sur le sujet.
Pour Lilian : Ne pas communiquer sur la démarche et faire : communiquer sur une démarche aussi différente du modèle classique et tellement “humaine” que cela crée des réactions extrêmes : des fantasmes pour les uns et des peurs pour les autres.
Pour Camille : Les outils d’intelligence collective sont complexes et longs à intégrer, car ils sont par nature contre-intuitifs de ce que la culture pyramidale nous inculque depuis notre enfance. Y compris quand on est convaincu, les maîtriser est un long processus qui nécessite beaucoup de pratique.
Pour Elsa : Il y a les écueils du début, mais en fait je m’aperçois que l’on ne règle jamais vraiment tout en matière d’intelligence collective, car par définition l’entreprise bouge et change à une vitesse folle aussi faut-il adapter de tels dispositifs aux nouveaux enjeux, à l’évolution de la culture d’entreprise, à l’émergence de grands projets de transformation, aux virages métiers qui sont opérés, à l’arrivée de nouvelles générations dans l’entreprise…
Intelligence collective : quel est le secret des dirigeants ?
Vous l’attendiez tous, les astuces de nos invités pour générer une réelle intelligence collective !
- Être convaincu, aider ses équipes à se forger leur propre conviction, expérimenter, adopter une approche de petits pas et célébrer toutes les avancées !
- « L’action structure la pensée, ce n’est pas l’inverse ! » : Il faut rapidement se confronter à la réalité et ajuster au fur et à mesure en fonction de la façon dont les équipes réagissent.
- Une organisation agile signifie des dirigeants agiles !
- Laisser le temps au temps, n’avoir de cesse de diffuser et porter la bonne parole à partir de cas d’usage concrets. Ne pas chercher à déployer à une cadence prédéfinie mais accepter l’hétérogénéité.
Nous tenons encore à remercier nos 4 intervenants et leurs témoignages passionnants. Nous avons noté des points qui se rejoignent notamment sur les aspects culturels et sur l’importance des termes.
Merci à eux d’avoir ouvert cette « valise » qui est l’intelligence collective.
Avec des réponses apportées sur différents sujets : qu’est-ce qu’il y a derrière cette notion d’intelligence collective, qu’est-ce qu’on en fait, comment l’utilise-t-on, comment l’analyser, comment suivre une démarche, etc.
Nous le sentons bien, c’est un travail qui demande du temps.
Finalement, l’intelligence collective est protéiforme, elle peut se présenter sous les aspects les plus divers. En fait, ce n’est pas un seul modèle unique, mais plutôt un outil adaptatif que l’on utilise en fonction de l’historique des organisations, toutes plus singulières les unes que les autres.
Intéressé(e) par l’intelligence collective et la facilitation ? N’hésitez pas à nous contacter !