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Tout prédire, tout organiser en fonction : la tentation ultime de l’entreprise !
Malgré ça, pour le salarié, il y a toujours deux types de contextes. Les situations prévisibles ou répétitives des opérations, et celles résultant de facteurs complexes, internes, externes, liés entre eux et avec des parties prenantes multiples et diverses.
Dès lors :
- Aucune fiche de poste ne peut être exhaustive, même pour les opérations quotidiennes.
- Aucune roadmap ne peut être immuable, en particulier dans la conduite du changement.
Ce qui permet malgré tout aux individus et aux organisations de performer dans cet environnement incertain, c’est notamment :
- Le Sens : Les valeurs de la Société, sa mission, sa culture et la manière dont celles-ci s’incarnent de façon tacite dans les comportements et actions des Salariés.
- La Cohérence : La stratégie, la vision, qui servent de « tuteur » pour guider la prise de décision autonome au quotidien, dans un contexte souvent flou.
Sans ces deux aspects, pas d’autonomie possible, pas de compréhension Terrain – Leadership, pas de responsabilisation, pas d’engagement.
La valeur ajoutée du management dans le changement, ce n’est donc pas tant d’énoncer les étapes.
C’est de protéger et encourager ce qui fait la stabilité, la solidité et l’autonomie de l’Organisation et de ses membres : le Sens (je sais pourquoi nous faisons ça) et la Cohérence (j’ai compris où nous souhaitons aller, voilà le chemin que je vais prendre).
Focus sur le leadership pédagogique.
Pédagogie du changement : expliquez, réexpliquez, expliquez encore.
C’est le rôle du Leadership pédagogique : expliquer sans relâche, pour que les collaborateurs puissent se refaire une image de ce futur souhaité, de ce que leur environnement doit devenir et de leur rôle au sein de celui-ci, dans sa construction, et une fois ces objectifs atteints.
Les enjeux sont forts.
D’abord, parce que l’autonomie de chacun dépend de cette nouvelle cohérence qu’il faut assurer, et aussi parce que c’est un cap ardu à passer : celui de l’inconfort du changement.
Son ascension génère des sentiments perturbants.
Perte de repères, questionnement du sens et de l’utilité de ce qui était fait auparavant, impression d’incompétence temporaire, frustration, insécurité : la reconstruction d’une nouvelle image collective et individuelle s’accompagne d’une zone floue, qu’il faut accompagner.
C’est un vrai changement de paradigme de part et d’autre.
Dans cet accompagnement, les qualités nécessaires du manager ne sont pas celles que l’on encourage habituellement (rapidité-décision-action). L’Organisation a besoin d’un Leader différent.
Un Leader « pédagogue » ? Peut-être, mais pas n’importe lequel.
Car une fois sur le terrain, cette « pédagogie » s’exprime de manière souvent inefficace : présentations en réunions plénières, Q&A, documents Powerpoint rutilants.
Flop.
L’analogie avec la pédagogie
Le monde Corporate gagnerait à regarder ailleurs.
Dans le courant actuel des sciences de la formation, il n’est plus question d’un seul mode de transmission, statique, descendant.
Pour un apprentissage réussi, on exploite les éléments suivants :
- Diversité : prise en compte des différents leviers et types d’apprentissage.
- Environnement « Flexible » : sécurisant et adapté aux usages.
- Étapes : transmission rythmée dans le temps. (1. Initier l’intérêt, 2. Engager l’attention, 3. Deep learning, 4. Déclusion, 5. Utilisation à froid)
- Parcours centrés sur l’apprenant : ingénierie de formation, parcours co-construits. Le formateur « apprend à apprendre », propose des contenus.
- Pédagogie participative : Le manager pédagogique y est le chef d’orchestre de transmissions qui se font notamment entre apprenants, boostant au passage l’acquisition pour tous.
Aujourd’hui, une formation « à l’ancienne » – deux jours par an, puis retour sur le terrain comme si tout avait changé – ne paraît ni efficace, ni attirante. En quoi ce serait-il différent pour un Leader-pédagogue sur une estrade, clamant son message, le répétant plus fort s’il le faut, puis estimant que tout est acquis ?
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Le Formateur doit aller au-delà de la transmission, le manager, au-delà de l’explication : ils doivent inspirer, et donner à tous les clés du développement.
Leadership managérial : inspirer les individus, inspirer l’Organisation
La mission du Leader pédagogique, c’est de mettre les individus et Organisation en situation de plasticité face au changement, en capacité d’apprentissage permanent en prenant en compte différents éléments.
La diversité
- Dans la communication : les canaux et moments doivent être variés pour maximiser les chances d’être entendus.
- Dans l’échange : les réactions seront diverses elles aussi. Il ne suffit pas d’expliquer, mais d’écouter, convaincre et emmener : (ré)apprendre à débattre.
« Notre Président se voyait comme un leader inspiré et inspirant et supportait mal la contradiction. Nos Codirs ont fini par être des monologues d’une journée, où chacun attendait que ça finisse. Réussite collective ? zéro. »*
« Nous avons communiqué sur deux rythmes différents : tous les matins, à la même heure, on envoyait l’état des lieux et récapitulatif des infos disponibles. Et de manière moins régulière, on postait des éléments variés sur un forum où chacun pouvait aussi poser des questions et réagir. Le rituel du matin a eu beaucoup de succès auprès de certains, et le forum libre, beaucoup auprès d’autres. »
L’environnement
- Pour créer les conditions nécessaires au bien-être et à l’efficacité pour l’individu et le collectif.
- Pour marquer un changement non tangible de façon physique et positive.
« On nous a dit de communiquer entre Pairs, pour améliorer la collaboration. Mais ils étaient au 6e étage, nous au 4e, et on n’avait pas de salle de réunion. »
« J’ai eu peur qu’on change tout, trop vite. Mais participer à la réorganisation de nos espaces de travail nous a permis de collaborer, d’échanger sur ce qu’on voulait et comment on voulait travailler – seul et en équipe. Un vrai nouveau souffle. »
Les étapes
- Pour gérer l’effort et éviter l’essoufflement, ou la saturation cognitive ou émotionnelle.
- Pour assurer la compréhension, et le passage de l’information à l’action.
« Je crois que ça partait d’une bonne intention : elle nous a tout donné d’un seul coup, en nous disant qu’il n’y avait pas d’autres surprises. Mais ça faisait tellement à la fois, tout le monde a entendu un aspect différent. On s’est sentis dupés, et elle nous a trouvés malhonnêtes. »
« Comme on tend à retenir surtout les infos qui confortent ce qu’on pense déjà, j’ai demandé à chacun, pendant la présentation du PDG, de noter sur une matrice : à gauche ce qu’ils entendaient, au centre, comment ils le comprenaient et à droite les questions que ça soulevait chez eux. Et on a tout mis en commun. Ça a permis à chacun de prendre conscience de la distorsion, de répondre aux questions par étapes, de se faire davantage confiance. »
Les parcours centrés sur l’apprenant
Le changement est constant.
Le leader n’est plus celui qui montre du doigt chemin et direction, qui contrôle le pas, et corrige les retardataires. Il est au contraire celui qui donne les clés :
- A l’individu, pour qu’il puisse apprendre de façon permanente, et gérer l’inconfort de l’apprentissage (on est incompétent pendant un temps, dans un univers où on a pris l’habitude de devoir se montrer Maître).
- A l’organisation toute entière, pour qu’elle valorise les apprentissages, et reconnaisse et célèbre les attitudes d’expérimentation et d’intégration des changements.
Place au leadership pédagogique.
« Le Management disait « Voilà ce que ça veut dire pour vous ». Mais ça tombait toujours un peu à côté de la plaque. Je ne crois pas qu’ils savaient. »
« Les Managers intermédiaires ont vraiment fait la différence. Ils avaient convenu entre eux d’être physiquement avec les équipes le plus possible. Ils ont incarné le changement, en accompagnant expérimentations et échecs des collaborateurs, sans jugement. »
La pédagogie participative
Parce qu’on intègre 5% de ce qui nous est exposé et 90% de ce que l’on enseigne.
Parce que la transmission est un fort levier d’engagement pour beaucoup de salariés.
Généraliser le mentorat (ce que le changement implique, les nouvelles pratiques mises en œuvre) modifie la culture de l’entreprise et la culture du management : il n’est plus question d’un Leader unique.
Chacun peut être moteur du changement et le management doit le permettre, le faciliter et l’encourager.
« Je me suis sentie infantilisée. Mon manager avait l’info, et nous la passait. Si on voulait savoir plus, il fallait demander. Malgré 4 ans d’expérience, je ne savais plus comment procéder. »
« Pour modifier la culture, nous avons instauré un nouveau rituel. Chaque semaine, pendant la réunion d’équipe, on consacrait 30 minutes à une nouvelle connaissance, en lien avec le travail : tour à tour, un membre de l’équipe devait apprendre quelque chose aux autres. Petit à petit, tout le monde a joué le jeu, on a partagé, testé de nouvelles techniques de formation, pris l’habitude d’écouter même ceux qui parlaient moins. Un grand succès, ça a redynamisé l’équipe et j’ai été sidéré de voir comment chacun s’est saisi des réunions, dont je n’étais plus le seul organisateur. »
Pédagogie du changement = désengagement ?
Ce que l’on nomme « désengagement » en situation de changement, c’est parfois simplement les conséquences du réflexe protecteur du collectif ou de l’individu.
Sans pouvoir se projeter, privés d’impression de compréhension, de compétence ou de maîtrise, on demande à des professionnels habituellement évalués sur leur niveau d’autonomie d’avancer à tâtons.
De manière paradoxale, les collaborateurs les plus à risques dans ces périodes sont justement ceux qui se sentaient les plus investis auparavant : soit parce qu’on a retiré ce qui faisait le sens de leurs efforts, sans combler ce vide, soit parce qu’en modifiant trop vite la cohérence du groupe, on casse leur sentiment d’appartenance et leur perception du chemin à parcourir.
Pour l’organisation, c’est un risque double : celui de voir partir les éléments moteurs ou stabilisateurs, justement dans une période où elle en a le plus besoin.
Les bouleversements ne doivent pas être vécus comme un trouble permanent. Pour cela, le rôle du Leader pédagogique tient dans sa capacité à percevoir et communiquer la vision et la direction, mais aussi à déployer la considération individuelle et la stimulation intellectuelle nécessaires au développement de tous.
Pour influencer et inspirer, c’est toute une nouvelle posture managériale qu’il lui faut endosser : pas de lien toxique information – pouvoir, plus question non plus de se considérer comme un phare charismatique derrière qui chacun se range.
Maintenir sa cohérence et donner du sens, l’organisation apprend à se réinventer tout en sachant reconnaître et maintenir son identité : engagée et autonome.
*citations provenant de l’échange auprès de 30 personnes dans le cadre d’état des lieux organisationnel en 2019)
Article rédigé par Lise-Marie Biez