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Ces dernières années, la pratique du management a souvent ressemblé à un exercice d’extinction d’incendie. Face aux crises sociales, environnementales et économiques qui se succèdent, il est facile de s’enfermer dans une focalisation quasi singulière sur le court terme. Mais en même temps, il est essentiel que les dirigeants trouvent le temps de prendre en compte la situation dans son ensemble.
Dans un monde imprévisible, il est normal d’avoir une vision un peu étroite des choses. Mais en même temps, il est toujours essentiel de prendre du recul et de considérer la situation dans son ensemble.
Un panel d’experts mondiaux s’exprime sur les pratiques du management vécues au cours des cent dernières années et comment elles pourraient évoluer au cours des cent prochaines.
La question posée était la suivante : quelle pratique de gestion des 100 dernières années ne sera pas – ou ne devrait pas être – poursuivie au cours des 100 prochaines années ?
Voici 3 principes directeurs que doit suivre le management pour les 100 prochaines années, et surtout pour 2023.
Bienvenue dans l’ère managériale de l’empathie
Sut I Wong est directrice de département et professeur de communication et de leadership à la BI Norwegian Business School.
La croissance disruptive de la technologie blockchain, de la robotique, de l’intelligence artificielle, du calcul haute performance et d’autres capacités numériques fondamentales – transforme totalement le fonctionnement des organisations.
Nous sommes dans la quatrième révolution industrielle.
Qu’est-ce que cela signifie pour le management ?
Il y a près d’une décennie, Rita Gunther McGrath, spécialiste du management, a identifié trois ères du management.
Dans l’ère de l’exécution, les managers adoptaient une approche de commandement et de contrôle.
La deuxième ère mettait l’accent sur l’expertise. McGrath a affirmé que cette ère finirait par céder la place à une ère d’empathie, dans laquelle le travail est centré sur la création de valeur par le biais de réseaux et de la collaboration plutôt que par des structures et des relations rigides.
Bien que le cadre de McGrath ait précédé le concept de quatrième révolution industrielle, le développement des nouvelles technologies a conduit exactement au type de pratiques de gestion empathiques qu’elle envisageait.
Avec la prolifération d’outils numériques permettant des structures organisationnelles de plus en plus dynamiques et agiles, la gestion et la prise de décision doivent nécessairement avoir une nouvelle approche.
Les pratiques adaptées à une structure d’entreprise “classique” ont peut-être été efficaces à l’ère de l’expertise, mais il est peu probable qu’elles s’appliquent à l’ère de l’empathie basée sur la technologie du futur.
Nous devons repenser les pratiques de gestion rigides du passé et développer, tester et itérer des pratiques mieux adaptées aux organisations flexibles axées sur la valeur et à un monde en évolution rapide.
La rétention des talents
Rachel Spivey est à la tête de l’équipe “Stay and Thrive” (“rester et s’épanouir”) de Google.
Selon les données relatives aux entretiens de départ compilées par mon équipe en 2021, 67 % des employés quittant Google ont déclaré que leurs responsables n’avaient fait aucune tentative pour les retenir avant qu’ils ne donnent leur préavis.
Malgré les coûts bien connus associés au turnover (selon le cabinet Hays, le coût d’un mauvais recrutement (départ avant 12 mois) engendrerait, en moyenne, entre 45 000 euros et 100 000 euros de pertes directes et indirectes pour l’organisation.)
Il est trop fréquent que les entreprises laissent partir leurs employés sans faire aucun effort pour les persuader de rester, mais cet état d’esprit archaïque n’a pas sa place dans les cent prochaines années.
En effet, Google a récemment commencé à reconnaître explicitement les nombreux avantages d’une fidélisation proactive des employés, qu’il s’agisse d’un engagement accru, de meilleures performances ou d’une main-d’œuvre plus diversifiée, et nous avons transformé notre approche de la gestion en conséquence.
Notre nouvelle philosophie comporte plusieurs éléments.
Premièrement, les managers doivent adopter un état d’esprit qui donne la priorité à la fidélisation des talents qu’ils ont eu tant de mal à recruter.
Cela signifie qu’ils doivent prêter attention aux facteurs qui pourraient alimenter leur envie de départ.
Deuxièmement, les managers soucieux de la fidélisation doivent s’efforcer de développer et d’améliorer les processus opérationnels conçus pour maintenir l’engagement des employés.
Et troisièmement, ils doivent s’efforcer de comprendre les différents facteurs qui motivent chaque employé. Cela implique, entre autres, de déterminer quels types de reconnaissance comptent le plus pour chaque employé, quelles aspirations professionnelles les motivent et quels avantages sont les plus importants pour eux.
La responsabilité de la fidélisation des employés ne repose cependant pas uniquement sur les épaules des managers.
Les hauts dirigeants et les équipes RH doivent non seulement fournir aux managers les outils nécessaires, mais aussi leur donner les moyens d’utiliser ces ressources pour soutenir leurs équipes de la manière la plus efficace possible.
Une organisation peut offrir un soutien interne à l’évolution de carrière, des primes de fidélisation ou des options de congé personnalisées, par exemple, mais ces avantages ne stimuleront la fidélisation que si les managers sont équipés pour les exploiter.
En fin de compte, il s’agit de favoriser une approche directe, transparente et empathique de la gestion, où l’engagement et la fidélisation sont des priorités au même titre que la performance.
Le travail flexible est là pour rester
Ashley Whillans est professeur adjoint dans l’unité “Négociation, organisations et marchés” de la Harvard Business School.
Avec la révolution industrielle, il est devenu courant pour les travailleurs de se rendre sur leur lieu de travail, de travailler pendant huit heures ou plus et de rentrer chez eux.
Ce schéma s’est depuis fermement ancré dans la culture du travail – avant d’être complètement bouleversé par la pandémie de Covid-19.
“En tant que chercheur sur le temps et le bonheur, je suis fortement convaincue qu’au cours des cent prochaines années, les anciennes hypothèses rigides sur la manière, le moment et le lieu de travail devront être remplacées par une approche beaucoup plus flexible.“
Il existe d’innombrables arguments en faveur de la flexibilité.
Des études ont montré que des modalités de travail flexibles peuvent diminuer le stress, faire gagner du temps et réduire les émissions de carbone. En outre, mes recherches en cours ont révélé que l’un des trois principaux facteurs prédictifs de l’engagement des employés est le degré de contrôle qu’ils ont sur leur temps.
Aujourd’hui, de nombreux employés se soucient davantage de la flexibilité, du sens de leur métier et de la responsabilisation que de facteurs aussi importants qu’un salaire équitable et la sécurité psychologique par exemple.
Bien entendu, les formules de travail flexibles ne fonctionnent que si elles sont gérées avec soin et intentionnellement.
Les dispositions hybrides peuvent exacerber des problèmes existants tels que les journées à rallonge ou encore un sentiment de perte d’appartenance à l’entreprise. De nombreuses organisations ont également constaté que le passage au travail à distance était un parfait exemple de la loi de Parkinson, plus une personne dispose de temps pour s’acquitter d’une tâche, plus celle-ci nécessitera de temps.
Selon une étude mondiale, le temps passé en réunion a augmenté en moyenne de plus de 250 % depuis février 2020, créant des niveaux plus élevés de stress, de mécontentement et d’épuisement chez les travailleurs.
Pour relever ces défis, les dirigeants doivent cultiver une approche “time smart”, en aidant leurs équipes à devenir plus libérées quant au moment et à l’endroit où elles travaillent et en développant les meilleures pratiques pour guider les politiques de travail flexible.
L’époque du travail obligatoire au bureau, de 9 à 6h, cinq jours par semaine, est révolue depuis longtemps.
C’est aux dirigeants de demain d’inventer une meilleure façon de travailler, où et quand ils le souhaitent.
En conclusion, les temps changent et le rôle du management dans la société d’aujourd’hui aussi.
Les pratiques ancrées dans ses principes de commandement et de contrôle déshumanisent les collaborateurs. Des tendances telles que la “grande démission” et le “départ silencieux” (le fameux “quiet quitting”) montrent que les employés ne sont plus disposés à les supporter.
Alors que les employés repensent leur relation au travail et obtiennent de meilleurs avantages comme une plus grande flexibilité, les dirigeants, eux, doivent adopter de nouvelles pratiques audacieuses qui équilibrent le besoin d’efficacité des organisations et le besoin de dignité et de bien-être des employés.
Article inspiré de What Will Management Look Like in the Next 100 Years?