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Avec les grèves de décembre-janvier, la France a connu une première forte accélération de la diffusion du télétravail dans nos entreprises. Une deuxième accélération, plus massive encore, est la conséquence des mesures de confinements prises mi-mars 2020 pour éviter un aggravement de la crise sanitaire que nous traversons et protéger les salariés qui évoluent sur des métiers ou des tâches télétravaillables. Par la force des choses, de nombreux verrous qui freinaient le développement et la pratique du travail à distance ont été levés en un laps de temps très court.
Le nombre de télétravailleurs en France a augmenté davantage au cours des 6 derniers mois qu’au cours des dix dernières années !
L’épidémie a bousculé le monde du travail en nous invitant à repenser nos manières de collaborer, de nous réunir, de nous organiser … Revenons un peu sur ce qu’il s’est passé.
Une accélération spectaculaire
En 2019, une étude Malakoff Médéric nous indiquait que 29% des salariés du secteur privé télétravaillaient régulièrement.
Mi-avril, près de 40% des Français télétravaillaient d’après l’ANDRH. Une augmentation spectaculaire quand l’on considère que plus de 11 millions de salariés étaient à ce moment-là en arrêt d’activité partiel voire total ! Cette accélération subite a été poussée à plusieurs niveaux : au niveau législatif et à la maille des entreprises principalement.
Courant 2020, dans le cadre de la lutte contre la propagation du coronavirus, l’accès au télétravail est devenu “un droit automatique” pour le salarié qui souhaite télétravailler (Muriel Penicaud, France 2).
Bien évidemment, cet accès automatique est resté conditionné par le caractère télétravaillable des tâches inhérentes au métier concerné. “Si le salarié n’a pas d’ordinateur et si c’est un travail qui ne peut pas se faire en télétravail, bien sûr, l’employeur va lui dire non”, a rappelé la ministre du Travail.
Dans le même temps, nous sommes passés d’un droit au télétravail à un devoir de télétravail : des employeurs ont pu obliger leurs salariés à travailler à distance notamment dans le cadre de son devoir de garantir la santé et la sécurité de ses collaborateurs.
Aussi, sans possibilité de télétravailler, nombre d’entreprises auraient été contraintes d’arrêter purement et simplement toute ou une partie de leurs activités le temps du confinement. Le télétravail, en permettant aux entreprises de dématérialiser la réalisation d’une partie de leurs activités, a ainsi permis une continuité partielle ou totale de l’activité et donc une limitation du recours au chômage partiel.
Enfin, plusieurs signes nous montrent que cette révolution de la diffusion du télétravail dans nos quotidiens a le potentiel pour s’inscrire dans la durée. En effet, une étude sur 3000 personnes* met en avant le fait qu’après 4 semaines de télétravail, 62% des néo-travailleurs souhaitent travailler bien plus souvent à distance à l’avenir !
Un taux de satisfaction plutôt élevé quand l’on considère que le télétravail tel que pratiqué lors du confinement a beaucoup différé du télétravail “classique”.
Quelle différence avec du télétravail “normal” ?
Cependant, il faut garder à l’esprit que le télétravail en période de confinement n’a pas été du télétravail classique :
- Pas ou peu de phases d’expérimentation ;
- Des modalités de reporting pas adaptées : dans certaines entreprises, des managers inquiets se sont retrouvés à mettre en place des méthodes de contrôle à distance infantilisantes et contre- productives ;
- Des outils numériques ou physiques parfois absents ou inadaptés, sur lesquels il y a eu très peu voire pas du tout de formation (des entreprises ont par exemple dû s’organiser dans l’urgence pour livrer des tours et des écrans au domicile de leurs collaborateur) ;
- Des enfants à garder et des cours à donner ;
- Des collaborateurs et des managers peu ou pas formés au travail et au management à distance ;
- Un télétravail parfois (souvent ?) subi, pas choisi ;
- Pas forcément de poste de travail aménagé ;
- Le volume de télétravail et l’ampleur de l’effectif concerné.
En temps normal, le passage au télétravail ne se fait pas du jour au lendemain et rarement à 100%.
Point notable, ce passage soudain, forcé et dans des conditions pas toujours évidentes n’a cependant pas provoqué de désorganisation massive des entreprises et des salariés.
Il nous faut prendre conscience de manière collective que la situation du confinement était exceptionnelle et que nous ne sommes pas des surhommes.
Peut-être que la période pourrait nous pousser vers davantage de bienveillance, d’attention vers l’autre dans nos relations professionnelles. Aussi, cela pourrait nous aider à bousculer notre culture présentéiste, bien ancrée dans nos entreprises.
En temps normal, le travail à distance est réalisé dans des conditions cadrées en amont : généralement sans enfants et en très grande majorité uniquement quelques jours par semaine ou par mois. Ces modalités limitent grandement le risque de brouillage entre frontières pro-perso ou le risque d’isolement des télétravailleurs.
Comment la période a-t-elle vécue par les télétravailleurs ?
Pendant le confinement, en étant forcés de travailler depuis leur domicile, près de 48% des Français télétravailleurs ont avoué avoir eu beaucoup de difficultés pour s’organiser et être efficaces.
Quelques collaborateurs ont souffert du manque de matériel de travail à leur domicile (écran, imprimante, chaise de bureau…). D’autres ont du concilier activité professionnelle et garde d’enfants, ce qui est loin d’être évident.
«Des points de vigilance s’imposent : maintenir le lien individuel et collectif, fournir un équipement adéquat, adapter la charge de travail et les échéances – un environnement, confiné avec sa famille, permet rarement une efficacité à 100% -, garantir les plages de déconnexion, limiter au maximum l’intrusion et la porosité tout en étant ouvert aux marges de manœuvre pour les salariés…»
Communiqué de presse du 2 avril 2020, CFDT CADRES
Plus positif, 52% des personnes sondées ont déclarés parvenir à télétravailler sans problème. Une enquête de Bloom at Work nous a dévoilé les points positifs du home-office tels que perçus par les sondés :
- Une motivation pour faire face à la crise (la crise fait naître des initiatives et de bonnes idées) ;
- L’opportunité aussi de “prendre du recul”, “se former”, “se réadapter”, “transformer certains process pour plus d’agilité à la reprise” ;
- Une meilleure productivité et concentration (organisation plus flexible, possibilité de travailler en asynchrone, gain sur les temps de trajet…).
On se retrouve dans quelques mois pour faire un autre point sur cette révolution !