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Depuis la mise en place du confinement, le quotidien des entreprises et des salariés a été bouleversé. Chômage partiel, arrêt complet d’activité, télétravail 5 jours sur 5, travail sur le terrain avec le risque d’attraper le virus… Les salariés sont soumis à de nombreuses inquiétudes et craintes pour l’avenir, les entreprises quant à elles ont déjà pris du retard dans la prévention et la prise en charge des risques psychosociaux.
Voici quelques témoignages de scientifiques et d’experts dans la prévention des risques psychosociaux (RPS).
Risques psychosociaux : définition et risques
Les risques psychosociaux (RPS) correspondent à des situations de travail où sont présents :
- Le stress ;
- Des violences internes commises au sein de l’entreprise par des salariés ;
- Des violences externes commises sur des salariés par des personnes externes à l’entreprise (insultes, menaces, agressions…).
Trouble de la concentration, du sommeil, irritabilité, nervosité, fatigue, stress, palpitations… Un nombre grandissant de salariés déclarent souffrir de symptômes liés à des risques psychosociaux.
L’exposition à ces situations de travail peut avoir des conséquences sur la santé des salariés, notamment en termes de maladies cardio-vasculaires, de troubles musculosquelettiques, de troubles anxio-dépressifs, d’épuisement professionnel, de dépression, de burnout, etc.
Les risques psychosociaux ont également un impact sur le fonctionnement des entreprises (absentéisme, turnover, ambiance de travail…).
Depuis le début du confinement, les travailleurs français sont inquiets, nombreux se demandent quand est-ce qu’ils pourront retravailler comme avant. « D’où l’augmentation des risques psychosociaux à court ou moyen terme, contre lesquels les entreprises doivent se prémunir », prévient François Cochet, président de la Fédération des intervenants en risques psychosociaux (FIRPS).
Travail à domicile : une source de stress, de peur et d’isolement en cette période de confinement ?
Avant le confinement, de nombreuses entreprises optaient pour le télétravail sur un ou deux jours maximum par semaine pour conserver un équilibre. Du jour au lendemain, cette nouvelle façon de travailler est devenue obligatoire pour tous les métiers réalisables à distance.
“Beaucoup de salariés n’ont pas été préparés à travailler à distance. Ils ne maîtrisent pas forcément tous les outils numériques et ne disposent pas tous du matériel informatique adéquat pour cela, ou d’un vrai lieu de travail »
Jean-Claude Delgènes, directeur général du cabinet de prévention des risques professionnels Technologia.
Un saut dans l’inconnu pour la plupart des salariés qui n’étaient vraiment pas prêts. « Les moins autonomes sont les plus en difficultés, comme les juniors ou les personnes qui viennent de prendre leur poste », constate François Cochet. « Ceux qui vivent seuls, ou a contrario ceux qui vivent avec plusieurs enfants, supportent moins bien ce télétravail à long terme », complète Laurence Breton-Kueny, vice-présidente de l’association nationale des directeurs de ressources humaines (ANDRH).
Du côté des entreprises, elle n’avait pas anticipé le télétravail sur une longue période telle que nous la vivons en ce moment et cela va créer des différences dans la charge de travail. « Certains vont être en sous-activité et vont avoir le sentiment de ne pas être utiles. Et d’autres vont être en suractivité et vont culpabiliser de ne pas être aussi efficaces que d’habitude, car ils doivent s’occuper de jeunes enfants en parallèle », souligne le Docteur Bernard Astruc, psychiatre co-fondateur d’Eutelmed (plateforme d’accompagnement psychologique des salariés). Le risque de surmenage s’installe tout doucement.
Avec le travail à distance à 100%, un sentiment de solitude et d’isolement pointe le bout de son nez. L’entreprise constitue un lieu de vie sociale et un facteur de protection pour les salariés. En étant forcé de rester chez soi, le sentiment d’appartenir à une équipe, à une entreprise est moins fort. « On est moins aidé par ses collègues, on est privé de tous les petits rituels (pause-café, déjeuner de service…) qui font la vie de bureau. Or le collectif de travail est un facteur de protection pour l’individu », souligne Jean-Claude Delgènes.
Et pour les salariés qui ont un proche, victime du coronavirus, le travail peut rapidement devenir une source de stress et de tension complémentaire.
Si le télétravail non-préparé peut générer des difficultés et des contraintes, sortir de chez soi pour aller travailler lorsque son métier n’est pas praticable à distance, n’est pas de tout repos non plus. « Ceux dont le métier n’est pas praticable à distance sont souvent soumis à un surcroît de travail et sortent avec l’épée de Damoclès qu’est la maladie au-dessus de leur tête. Ce qui peut générer un stress préjudiciable », observe Jean-Claude Delgènes.
Chômage partiel = chômage futur ?
Autres risques psychosociaux, l’obligation de plus de 5 millions de salariés à recourir au chômage partiel depuis le début du confinement. Une situation compliquée à accepter pour beaucoup d’entre eux. « Psychologiquement, dans l’esprit de certains, c’est le signe annonciateur d’un chômage futur. Ils craignent d’être la cible de la restructuration de leur entreprise par la suite », explique Jean-Claude Delgènes.
Il y a aussi le post-confinement qui peut créer un sentiment d’angoisse pour les télétravailleurs : « Ceux qui sont en période d’essai ont peur qu’elle soit rompue. D’autres éprouvent une crainte profonde à l’idée de perdre leur emploi, surtout lorsqu’ils entendent de la bouche de Bruno Le Maire que la France traverse sa plus grave crise économique depuis 1945 », souligne Jean-Claude Delgènes. « Et les salariés dont l’entreprise avait déjà des résultats négatifs avant sont souvent les plus inquiets, à juste titre » ajoute Laurence Breton-Kueny.
Confinement : le rôle important des managers
Les risques psychosociaux ne semblent pas avoir été pris en compte par toutes les entreprises et les managers, constate Jean-Claude Delgènes : « Les premières semaines qui ont suivi le début du confinement, elles se sont focalisées sur les mesures d’urgence pour maintenir l’appareil de production, se réorganiser ou stopper une partie de la machine dans de bonnes conditions ».
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Les managers, non-habitués à piloter des équipes à distance, ont du mal à repérer les signes avant-coureurs chez les collaborateurs : « Ils n’ont souvent pas été préparés à piloter des équipes à distance et ne prennent pas forcément les bonnes décisions. Ils sont aussi parfois soumis à des injonctions paradoxales : comme maintenir la production tout en assurant la protection des salariés », indique le docteur Astruc.
L’inaction dans la prévention des risques psychosociaux pourrait se payer cher, souligne François Cochet : « Les conséquences lors du retour à la normale pourraient être lourdes. Car la confiance des salariés risque d’être rompue, ce qui pourrait conduire à une forme de désengagement de leur part lors de la reprise d’activité ».
Comment agir pour prévenir les risques psychosociaux des collaborateurs ?
Muriel Pénicaud, la ministre du Travail, a jugé “raisonnable” d’envisager un télétravail massif jusqu’à l’été et a appelé les partenaires sociaux à négocier rapidement un encadrement de ce mode de travail s’ils le souhaitent.
Même si le confinement risque de durer encore quelques semaines ou mois, il n’est pas trop tard pour prévenir et agir.
Premièrement, il faut mieux encadrer le travail à domicile. « Il faut aider les salariés à scinder leurs vies en posant des limites horaires », suggère tout d’abord Laurence Breton Kueny. « Les employeurs doivent répartir le travail en tenant compte des contraintes de chaque salarié (cohabitation avec des enfants, logement exigu…) », complète François Cochet.
Ensuite, lutter contre une forme de déshumanisation du travail. « En mettant en place régulièrement des visioconférences et des formations à distance, en lançant de nouveaux défis aux salariés… Le management doit devenir moins directif et plus empathique », recommande Jean-Claude Delgènes. « Les managers doivent organiser des réunions pour faire vivre le collectif, et passer plus de temps au téléphone avec chacun », renchérit Laurence Breton-Kueny.
Pour finir, l’entreprise doit repérer les collaborateurs en difficultés : « Proposer une cellule d’écoute est aussi recommandé, car cela va aider les collaborateurs à verbaliser leurs soucis », souligne Laurence Breton Kueny.
L’entreprise doit être totalement transparente sur la crise qu’elle traverse : « Elle doit informer ses salariés de sa situation économique, afin que les salariés ne partent pas dans tous les sens. Et en insistant sur sa stratégie pour redresser le tir », estime François Cochet. Un avis partagé par Laurence Breton-Kueny : « La transparence est encore plus importante en temps de crise. Il faut montrer qu’il y a un capitaine à la barre ».
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