Associer les collaborateurs au capital de son entreprise

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À la découverte d’une forme d’engagement et de rétribution de la valeur pour une performance durable. 

Comment responsabiliser, motiver les individus à rejoindre l’organisation, à y rester et à s’y investir pleinement ?

L’une des réponses à cette vaste question réside dans l’actionnariat salarié : une opportunité de redistribuer la valeur du travail à ceux qui y participent, tout en leur offrant la possibilité de s’engager activement dans le développement de leur entreprise.

L’actionnariat salarié est un mécanisme permettant à une entreprise d’associer ses salariés à son capital. Il est applicable dans les sociétés par actions, qu’elles soient cotées ou non, et tous les employés d’une entreprise peuvent en bénéficier.

Nous avons souhaité donner la parole à Raphaël Constantin, dirigeant de Rondot Group, une PME industrielle ayant mis en place ce dispositif. 

Son témoignage vous offrira un retour d’expérience concret et permettra de comprendre l’impact de l’actionnariat salarié sur les collaborateurs, l’organisation et les actionnaires.

“Mais le message, si j’avais à le donner peut-être, c’est que je crois qu’il ne faut pas avoir peur.”

L’engagement collaborateur comme point de départ

Notre point de départ est l’engagement. En effet, de nombreuses entreprises et organisations se demandent comment générer et maintenir l’engagement de leurs collaborateurs.

Les chiffres montrent qu’il est de plus en plus difficile d’attirer et de fidéliser les employés. Par exemple, une étude de Glassdoor en 2023 a révélé qu’un collaborateur sur quatre faisait preuve de présentéisme, c’est-à-dire était physiquement présent, mais sans réelle efficacité. 

En France, seulement 6 % des collaborateurs se disent engagés dans leur organisation, tandis qu’un sur quatre se considère totalement désengagé. Le coût du désengagement est conséquent.

Face à cette situation, quelles solutions pouvons-nous envisager ? 

Nous avons voulu vous présenter une initiative : associer les collaborateurs au capital de l’entreprise pour régénérer l’engagement. Cette solution, mise en place par l’un de nos clients, montre comment une telle démarche peut revitaliser une organisation.

Notre invité, Raphaël, Président de Rondot Group, nous parle de cette expérience. 

Nous constatons une tendance globale à vouloir réinventer le rapport au travail et à la valeur de l’organisation. On parle de plus en plus de redistribution des richesses, et ce, comme une alternative aux modèles capitalistiques souvent critiqués. L’idée est de redistribuer la valeur créée par l’entreprise non seulement aux dirigeants, mais aussi aux collaborateurs.

L’objectif est de créer un modèle où la croissance et la pérennité de l’entreprise sont assurées tout en redistribuant équitablement les richesses générées. Cette démarche ne se limite pas à des aspects juridiques, mais vise à inspirer et à encourager de nouvelles façons de penser le capital et l’engagement interne.

Avec le témoignage de Raphaël, nous souhaitons inspirer d’autres organisations à repenser leur modèle et à explorer des solutions innovantes pour renforcer l’engagement de leurs collaborateurs. 

Présentation de Rondot Group

“Je vais partager notre expérience et notre retour après un an de mise en place de ce dispositif. Nous espérons que cela pourra vous inspirer, en fonction de notre culture et de notre histoire.”

Raphaël Constantin, président de Rondot Group a rejoint le groupe il y a deux ans et demi, “J’ai été à la tête de certaines filiales de ce groupe industriel français avant d’être recruté pour succéder à Louis Rondot.” 

Louis, le troisième de la génération, a dirigé la société jusqu’en 2016, avant de se retirer. En 2019, il a cherché un successeur, mais le processus a été retardé par le Covid. 

“J’ai rejoint l’entreprise début 2022, avec une transition planifiée : Louis était président pendant un an, moi directeur général, puis je suis devenu président et Louis est devenu président du conseil pendant un an. Aujourd’hui, Louis est membre du conseil de surveillance et aspire à une retraite bien méritée.”

Rondot est une société familiale lyonnaise, créée en 1936 dans le secteur de la soie. Elle distribuait des produits de lubrification pour le fil à soie. Louis Rondot est entré dans la société en 1971. Sous son action, le groupe s’est transformé et est désormais à 95 % dans le domaine du verre, fournissant des équipements industriels pour la fabrication de conteneurs en verre (bouteilles, pots pour la cosmétique, la pharmacie, les vaccins, et surtout pour le secteur food and beverage).

En 2023, Rondot a réalisé un chiffre d’affaires d’environ 80 millions d’euros, avec 310 employés répartis sur 16 entités légales dans 10 pays. Nos équipes varient de 2 à 90 personnes selon le site, allant de la représentation commerciale aux unités de fabrication. “Nous fabriquons et vendons 7 catégories de produits différents à des clients partout dans le monde.”

Évolution de l’Actionnariat salarié chez Rondot

Chaque site de fabrication de Rondot produit un type de produit unique, ce qui rend chaque site spécialisé. 

Concernant l’actionnariat, en 2012, Louis Rondot a fait entrer des investisseurs minoritaires. En 2016, un premier LBO (Leveraged Buyout), (ndlr : une opération financière où une entreprise est rachetée principalement grâce à un emprunt bancaire. Les actifs de l’entreprise rachetée servent souvent de garantie pour cet emprunt) a été réalisé, permettant aux dirigeants d’investir avec des effets de levier. Louis Rondot est alors devenu actionnaire minoritaire, préparant sa succession. En 2019, une deuxième opération a eu lieu, suivie d’une troisième en avril 2023. 

Après cette dernière opération, le capital de Rondot est réparti comme suit :

  • ⅓ détenu par le fonds d’investissement Siparex
  • ⅓ détenu par trois autres investisseurs (BPI, Initiatives et Finances, et Carvest) 
  • ⅓ par le management et les salariés. 

“À la fin de 2022, en préparation de l’opération de 2023, Louis Rondot et moi avons décidé d’ouvrir le capital à tous les salariés, non pas pour résoudre un problème de turnover, car le taux de démission est très faible, mais pour renforcer le partage de la valeur créée par l’entreprise.”

Cette décision s’inscrit dans la continuité des dispositifs de participation et d’intéressement déjà en place, et vise à aller plus loin dans le partage des succès de l’entreprise.

L’idée d’ouvrir le capital aux salariés a suscité un véritable enthousiasme au sein du top management, dont certains étaient déjà investisseurs depuis 2012 ou 2016. Nos investisseurs financiers ont également accueilli cette initiative favorablement, car elle reflète l’engagement et la crédibilité du management, ce qui est rassurant pour eux. 

“Ils étaient curieux de voir le succès de cette opération, et nous étions déterminés à la mener à bien.”

Engagement collaborateur : le nouveau dispositif de partage de valeur chez Rondot

L’intention initiale de Rondot était de renforcer la culture de partage au sein de l’organisation en redistribuant la valeur créée par l’entreprise, et non comme un outil de rétention face à des problèmes de turnover ou de recrutement. 

Dans cette optique, un dispositif d’investissement a été mis en place pour permettre aux salariés de devenir symboliquement copropriétaires de l’entreprise.

Pour ce faire, Rondot Group a choisi de créer trois sociétés d’investissement, adaptées aux différentes catégories de salariés. 

1. Première société d’investissement : destinée au top management, composée de 12 personnes. Tous les membres éligibles ont investi, sans limite d’investissement. Les conditions d’investissement sont strictes : en cas de départ non justifié (clause de bad leaver), les investisseurs peuvent subir une pénalité pouvant aller jusqu’à 40 % de la valeur de leur investissement. Ce mécanisme incitatif traduit une volonté d’engager et de responsabiliser le top management sur le long terme. 

2. Deuxième société d’investissement : destinée aux managers, soit 37 personnes selon des critères précis, parmi lesquelles 29 ont investi.

3. Troisième société d’investissement : conçue pour la catégorie des salariés. Dès l’investissement, les salariés reçoivent un bonus d’environ 20%. En cas de défaillance de l’entreprise, les fonds d’investissement partenaires interviendront pour soutenir l’entreprise, offrant ainsi une certaine sécurité aux investissements des salariés.

Ce dispositif vise à renforcer l’engagement des employés en les impliquant financièrement dans le succès de l’entreprise, tout en préservant la stabilité de l’organisation à long terme.

L’objectif principal était de créer un système incitatif pour le management et les salariés, leur permettant de bénéficier financièrement des performances futures de l’entreprise. 

Contrairement à d’autres entreprises où les bonus sont proportionnels à l’investissement, Rondot a choisi une distribution égalitaire pour éviter de pénaliser ceux ayant moins de moyens financiers.

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Les impacts de l’association des collaborateurs au capital de Rondot

1. Côté salariés 

Engagement accru : Les employés, notamment ceux avec une longue ancienneté, ont montré un fort désir de participer à l’aventure et de s’engager davantage dans l’entreprise. Ils ont vu les succès des précédentes opérations réservées au top management et étaient motivés pour être inclus cette fois-ci.

Confiance dans la nouvelle direction : La transition du leadership de Louis Rondot à Raphaël Constantin a été bien accueillie, renforçant la confiance des employés dans la stabilité de l’entreprise.

Attente de transparence : Avec l’investissement, les salariés attendent plus de communication et de transparence. En réponse, l’entreprise organise deux réunions annuelles et encourage les échanges entre le management et les employés.

2. Côté management 

Responsabilité accrue : Le top management doit maintenant rendre des comptes non seulement aux actionnaires principaux, mais aussi aux salariés investisseurs. Cela les oblige à être plus communicatifs et transparents.

Défis de gestion des attentes : Le management doit parfois expliquer que l’investissement ne donne pas le droit de participer à toutes les décisions stratégiques.

3. Côté externe (banques, investisseurs, partenaires potentiels)

Crédibilité et stabilité : Le fort taux de participation des employés à l’investissement est perçu comme un signe de crédibilité et de stabilité de l’entreprise, rassurant les banques et les investisseurs.

Attractivité pour les futures acquisitions : Les entreprises cibles voient positivement la possibilité pour leurs équipes de devenir actionnaires d’un groupe plus grand, ce qui peut faciliter les acquisitions.

Alignement RSE : L’approche de partage de la valeur avec les employés s’aligne bien avec les attentes en matière de responsabilité sociale des entreprises (RSE).

Le dispositif a eu un impact positif à tous les niveaux, tant en interne qu’en externe. Il a renforcé l’engagement des employés avec des responsabilités accrues, nécessitant une communication plus intense pour répondre aux nouvelles attentes et curiosités concernant la santé de l’organisation. 

“Même si Rondot était déjà transparent sous la direction de Louis Rondot, cette nouvelle structure a obligé tous les managers, à être encore plus communicatifs pour répondre aux questions des employés.” 

Associer les collaborateurs au capital, des difficultés ? 

Un an après la mise en place de ce dispositif d’investissement participatif, les effets ont largement été positifs avec quelques ajustements mineurs nécessaires. 

“Nous avons observé une augmentation du besoin de communication, mais cela a été accueilli favorablement. Les seules difficultés rencontrées ont été marginales, principalement liées à des attentes démesurées de certains investisseurs quant à leur implication dans la stratégie.”

Toutefois, ces situations ont été rapidement clarifiées. 

“Il est essentiel de souligner que notre approche a été bien comprise : investir dans notre entreprise ne confère pas le droit de dicter la stratégie, tout comme investir dans un grand groupe n’ouvre pas la porte à des discussions avec le PDG. En réponse à ce besoin accru de communication, nous avons renforcé nos efforts pour expliquer et justifier nos décisions, ce qui, selon moi, renforce la transparence et ajoute de la valeur à notre démarche.”

La transition vers une performance collective chez Rondot

Dans le contexte de forte croissance du groupe Rondot, alimentée par les différents investisseurs, l’entreprise passe d’une performance individuelle à une performance collective au niveau du groupe. 

“Pendant dix à quinze ans, l’objectif était que chaque société du groupe soit performante individuellement. Cependant, nous avons atteint les limites de cette approche. Pour continuer à performer, nous devons désormais adopter une dimension de groupe.”

Ce changement ne signifie pas un bouleversement des attitudes des managers, qui ont toujours été bienveillants. Au contraire, cela a permis de valoriser la dimension collective. Une décision peut sembler moins avantageuse pour une entité spécifique, mais si elle crée de la valeur au niveau du groupe, elle est adoptée. 

“Depuis mon arrivée, une partie de la rémunération variable du top management est désormais liée à la performance du groupe. C’est un changement culturel majeur pour une société habituée à évaluer la performance individuelle. Désormais, même si une entité légale performe bien, la rémunération variable sera impactée si le groupe ne performe pas.”

L’ouverture du capital aux collaborateurs a également renforcé la dimension collective. La valeur créée par les actionnaires et les salariés est cruciale. “Sans nos investisseurs, nous n’aurions pas eu les moyens de nous développer à ce rythme.” 

La transition vers une performance collective a transformé la culture d’entreprise de Rondot, rendant chaque décision bénéfique pour le groupe dans son ensemble. 

En résumé

L’expérience de Rondot Group avec l’ouverture du capital aux collaborateurs est largement positive un an après sa mise en œuvre. Malgré les préoccupations initiales sur la gestion et les réactions potentielles en assemblée générale, aucun des scénarios redoutés ne s’est matérialisé. 

Raphaël souligne que cette démarche doit être bien partagée et comprise comme bénéfique pour l’entreprise, impliquant une décision collective avec d’autres investisseurs significatifs. 

Les protections mises en place assurent une gouvernance stable tout en encourageant l’engagement des employés et des managers. L’entreprise a constaté un fort intérêt et une implication accrue des collaborateurs à travers les différentes filiales internationales, renforçant le sentiment d’appartenance et l’intérêt pour la stratégie d’entreprise. 

Il encourage les organisations envisageant une démarche similaire à ne pas craindre le processus, soulignant que cette initiative enrichit le sens du travail et renforce l’engagement des équipes bien au-delà d’une simple décision financière.

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Si vous avez des questions ou souhaitez approfondir ce sujet, n’hésitez pas à nous contacter.

















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