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Quelle que soit la manière dont les Organisations ont traversé cette période particulière, elles ont toutes un point commun. La situation a été :
- Intense ;
- Inédite.
Et après sept semaines de crise, les équipes tâtonnent pour comprendre et se réorganiser.
Peut-être que la visibilité est faible – plus question de prévoir, de prédire.
Peut-être que les liens ont été modifiés – entre les Collaborateurs, avec les Partenaires, les Clients.
Peut-être que le cap lui-même semble à revoir.Pour reprendre de façon plus normale, le retour d’expérience s’impose.
Premier constat : on ne peut pas regarder les comportements de l’Organisation et sa situation comme “un seul bloc”. Selon les services, les personnes, les rôles, les moments de la crise même.
Ce qu’on peut en revanche, c’est faire une comparaison avec une situation plus connue pour chacun d’entre nous, afin d’y voir plus clair :
Votre Organisation, c’est un véhicule. Et un événement comme celui-ci, c’est un peu comme si on avait d’un seul coup dû passer, avec une voiture bien pleine d’occupants, sur une zone à gros nids-de-poule, avec des secousses subites et inhabituelles.
Vous imaginez ? Un(e) Pilote au volant, un(e) Co-Pilote à ses côtés, et des Passagers à l’arrière. Vous arrivez sur cette zone imprévue, et ça secoue…
1. Le choc initial :
A. La personne qui tient le volant a d’un seul coup été happée par la concentration et la conduite hors norme, pour ne pas faire de sortie de route. Elle a dès le premier instant accordé toute son attention à la conduite seulement.
Comme en entreprise, le premier réflexe de la Personne qui dirige n’est pas de communiquer : son attention est captée ailleurs.
B. La personne à côté du conducteur s’est tendue, elle a regardé la route, elle a rapidement dit aux autres de s’accrocher, puis peut-être a posé des questions ou a donné des conseils au conducteur, qui n’a pas nécessairement répondu.
Dans les premiers moments de la crise, beaucoup de messages circulent parfois, de façon plus ou moins erratiques, et pas toujours utile. Agir, faire quelque chose… mais quoi ?
C. Les personnes à l’arrière ont observé avec plus ou moins d’inquiétude : l’environnement extérieur, la réaction du Co-pilote, et le niveau de tension du Pilote. Certains objets sont tombés, peut-être que quelqu’un s’est cogné. Les passagers ont automatiquement cessé ce qu’ils faisaient pour comprendre la situation.
Premiers jours de la crise en entreprise : tout s’arrête, chacun stoppe immédiatement ce qu’il faisait. Chacun se tend : que se passe-t-il ?
2. Les opérations pendant la zone :
Passé le premier temps de surprise, tout le monde tente de s’adapter. On ne sait pas combien de temps cette zone de turbulence va durer.
A. La personne qui conduit commence à anticiper la difficulté de certaines manœuvres, et à appréhender le niveau de gravité pour le véhicule : les sensations lui montrent que l’ensemble tient, mais le côté inédit et l’absence de visibilité ne permettent pas d’en dire plus. Cela génère plus ou moins de stress de son côté. Sa communication avec le reste des occupants est peut-être tendue, ou rare.
Pour les Personnes au volant, comme pour les autres, la gestion de la durée de l’effort, de la concentration se pose en Entreprise. Le manque de visibilité pèse lourd sur les nerfs.
B. La personne à ses côtés se retourne sans doute, demande si tout va bien à l’arrière, donne des instructions rapides (se tenir, vérifier que les ceintures sont attachées), s’adresse directement à l’un des passagers selon ce qu’elle connaît de sa situation particulière)
Les Co-Pilotes en entreprise sont peut-être des personnes déjà en situation de Management intermédiaire, peut-être pas : pendant la crise, il arrive que les rôles et missions se redistribuent de manière tacite.
C. Parmi les passagers, la situation varie. Certains avaient déjà mal au dos et n’aiment pas être secoués, certains souffrent du mal des transports alors que d’autres non. Peut-être que certains sont sensibles au stress du conducteur, que d’autres sont bien assis, secoués, mais pas malmenés, etc. Selon l’activité qu’ils étaient en train de faire, ils sont aussi plus ou moins gênés (la lecture est impossible, mais la discussion est possible et a pu reprendre une fois passée la surprise, par exemple). Certains ont pu continuer, pour d’autres, ça a été plus compliqué.
Dans une société où la culture est à la performance, il faudra prendre cet élément en considération : comment ceux qui ont été empêchés de performer, malgré eux, vivent-ils cette situation ? Qui s’est fait mal ?
3. Après la zone :
Passée la zone de turbulences, avant même d’arrêter la voiture, les premiers réflexes peuvent différer :
A. Imaginons par exemple la personne au volant : elle vérifie d’abord les indicateurs du tableau de bord pour voir si la voiture a tenu et si on peut continuer à rouler sans problèmes, puis elle demande à tous si ça va bien, et c’est seulement alors qu’elle s’adresse peut-être à l’une des personnes en particulier.
Les réflexes de vérification varient. Mais comme le Conducteur, la Personne au poste de pilotage oriente souvent son attention dans un sens qu’on peut prédire facilement : ORGANISATION → ÉQUIPE → INDIVIDU.
B. Instinctivement, peut-être que la personne assise à côté du / de la pilote s’occupe d’un passager qui en a davantage besoin, puis demande si tout le monde va bien, et enfin reprend contact avec l’environnement.
Le « Co-Pilote » naturel ou désigné a joué le rôle d’intermédiaire, de liant, avec plus ou moins de facilité et sans avoir beaucoup de prise ou d’informations. Son attention immédiatement après la crise est fréquemment inverse à celle du Pilote : INDIVIDU → ÉQUIPE → ORGANISATION.
C. Parmi les passagers, certains ont poursuivi leurs activités, certains ont dû ralentir ou interrompre. Certains sont passés par la phase sans encombre, d’autres non. À la sortie, ils échangent de manière inhabituelle.
La communication est fréquemment chaotique en fin de crise : (INDIVIDU → INDIVIDU→ PILOTE → INDIVIDU, etc). Certains binômes se forment parmi ceux qui ont vécu les choses de la même manière. Le Collectif n’a pas toujours tenu.Bien sûr la comparaison a ses limites, nos Organisations ne sont pas des minibus dans lesquels on serait les voyageurs. Mais lors des rétrospectives après ces deux mois si spéciaux, on note tout de même que l’événement :
- n’a pas été vécu de la même manière pour tous ;
- n’a pas eu les mêmes conséquences sur les activités de tous ;
- n’a pas initié les mêmes comportements et les mêmes réflexes de tous, selon le niveau de responsabilité, selon la mission, la position dans le véhicule, la personnalité, les conditions personnelles, etc.
- n’a pas été vécu de la même manière selon les moments de crise.
4. En sortir :
Pour en sortir, il faudra comme en voiture, évaluer plusieurs niveaux :
- Quel est l’état de la route à présent ? (En quoi notre marché, notre environnement est-il différent ?)
- Quel est l’état du véhicule ? (Comment notre organisation a-t-elle tenu ?)
- Quel est l’état général de l’équipage ? (Comment va l’équipe ? Comment a-t-elle fonctionné ?)
- Comment vont les individus ? (De manière individuelle, comment chacun a-t-il vécu l’événement ? De quoi a-t-il besoin pour reprendre la route de manière correcte ?)
Les décisions qui suivront se feront également à plusieurs niveaux.
D’abord, pour l’Organisation (peut-être qu’on va changer de route, ou que la voiture a très bien tenu et qu’on recommandera son utilisation, ou peut-être qu’on se dira aussi qu’il faut qu’on change les suspensions), mais également pour les individus qui la composent :
- L’équipe doit maintenant intégrer cet événement à son vécu, et s’organiser en fonction.
- Le vécu individuel doit être pris en compte, et là aussi, des décisions (changer de place, de véhicule, organiser son activité différemment) pourront être prises.
Dans cette sortie de crise, finalement, il ne s’agit pas tant de voir plus loin : on n’a pas la visibilité.
Il ne s’agit pas de prendre de la hauteur : on n’en a plus toujours l’énergie.
Mais il s’agit de voir plus large, et englober dans notre compréhension et notre analyse, l’ensemble des systèmes du véhicule et des occupants qui ont passé cette zone de turbulence à nos côtés, pour reprendre la route, ensemble.
Article rédigé par Lise-Marie Biez.
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